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Newsletter, n° 10, "Philippe Ariès dans ses préfaces et ses postfaces"

vendredi 5 juillet 2019, par Guillaume Gros

Site dédié à Philippe Ariès, Newsletter, n° 10, 2019

"Philippe Ariès à travers ses préfaces et ses postfaces"

Préface/postface : une nouvelle rubrique

Le site dédié à Philippe Ariès s’enrichit d’une nouvelle rubrique consacrée aux "préfaces ou postfaces" que l’historien a rédigées entre, 1965 et 1982. Tout à la fois exercice d’admiration et engagement, la préface ou la postface offrent à Philippe Ariès l’occasion de revisiter les thèmes qui lui sont chers. Parmi cette dizaine de textes recensés dans la nouvelle rubrique, nous avons mis en ligne quatre extraits.

Maria Czapska, Une Famille d’Europe centrale : 1772-1914, Paris, Plon, coll. "Civilisations et mentalités", 1972.
 Maria Czapska est la sœur du peintre polonais Joseph Czapski, qui fut un ami proche de Philippe Ariès : « Le livre de Maria Czapska veut être la recherche de son passé de très jeune fille, et à travers lui, de celui de sa famille. En effet, une moitié du livre est l’histoire de sa famille, depuis la fin du XVIIIe siècle, à l’aide des papiers dont elle disposait, et dans les limites de ses sources. L’autre moitié est composée des souvenirs de son enfance et de son adolescence, mais les deux moitiés ne se suivent pas et la mémorialiste ne prend pas simplement la suite de l’archiviste. L’intérêt et le charme de ses textes viennent du mélange constant des deux genres et des deux inspirations : une femme au soir de sa vie (elle est née en 1894) se penche sur le monde de son enfance, des vieillards qui la peuplaient encore et elle prolonge son récit en deçà de ses souvenirs par une analyse en contrepoint des papiers sauvés des désastres de la grande histoire événementielle : un peu à la manière du roman américain et des flash-back du cinéma. »

Marie-Odile Métral, Le mariage. Les hésitations de l’Occident, préface de Philippe Ariès, Aubier, coll. « Présence et pensée », 1977, 314 p.
 Selon, Philippe Ariès, le statut de philosophe de Marie-Odile Métral et son regard de philosophe nous apportent une vision neuve sur la question du mariage dans la longue durée : « Sans doute l’histoire telle que nous la concevons aujourd’hui est celle des sentiments et des idées communes, qui paraissent étrangers au monde des philosophes et des litterati. Toutefois, nous savons aussi que dans une société “métissée”, selon le mot de F. Furet et de J. Ozouf, faite à la fois d’oralité et d’écriture, les conceptions de l’élite finissent presque toujours, à la longue, par pénétrer les couches populaires et par caractériser la culture globale. D’où l’utilité d’une démarche philosophique pour éclairer les contacts cachés entre l’écriture et l’oralité : questions de la virginité et de ses diverses significations, des rapports entre le couple, l’amour, le mariage monogamique et indissoluble, entre la réserve conjugale et l’érotisme. ».

Érasme, La Civilité puérile, Paris, Ramsay, 1977.
 C’est l’historien de l’enfance, auteur de l’Enfant et la vie familiale dans l’Ancien régime (1960), qui se manifeste dans cette préface.
Philippe Ariès y évoque notamment les livres de civilité : « Pourrait-on imaginer au XIXe ou au XXe siècle qu’un grand écrivain, érudit et philosophe, un Nietzsche, un Thomas Mann, un Sartre, parvenu au faîte de sa célébrité, prenne la peine de rédiger un manuel de politesse enseignant gravement comment se tenir à table, se moucher, cracher ou pisser, marcher dans la rue, et poser ses pieds, regarder son voisin, etc. ? C’est pourtant ce que fit l’illustre Erasme quand il publia en 1530 le De civilitate morum puerilium ? Imagine-t-on encore quelque savant pédagogue d’aujourd’hui, quelque respectable expert de la réforme de l’enseignement, s’adonnant à cet exercice ? »

Richard Sennett, La Famille contre la ville. Les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle (1872-1890), Encres, éditions recherches, 1980, 232 p.
 Dans cet ouvrage majeur d’abord édité, chez Harvard University Press, en 1970, le sociologue Richard Sennett, auteur entre autres du Travail sans qualités (Albin Michel, 2000) étudie à partir de l’exemple de Chicago, les relations entre la vie urbaine, la structure familiale et le vécu professionnel.
 Dans la préface, il rappelle sa dette envers les réflexions de Philippe Ariès considérant d’ailleurs que « La Famille contre la ville est en quelques sorte le dernier chapitre de l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime ».

VARIA

Jacques Revel, une figure des Annales

Dans une collection très riches des éditions de l’Ehess, intitulée « Audiographies », sous titrée « La voix des sciences sociales », Un moment, des histoires , rassemble cinq entretiens radiophoniques proposés par Emmanuel Laurentin dans le cadre de l’émission « A Voix Nue », en 2007 qui sont l’occasion, pour Jacques Revel, de revenir, sur son itinéraire à l’aune de la révolution historiographique des Annales : « À partir de mon expérience personnelle, d’une expérience partielle et située donc, de ce que j’espère en avoir compris, je propose ma lecture d’une expérience collective : celle d’une génération d’historiens qui, depuis un demi-siècle, ont vu leur ancien métier se transformer en profondeur. C’est bien d’un moment historiographique que j’ai tenté de rendre compte ainsi que des interrogations et des propositions - des histoires possibles - qu’il a suscitées et qui l’ont éclairé en retour. »

L’histoire à venir

- Face à l’injonction des mémoires, à l’instrumentalisation du passé et à l’obsession du présentisme, l’historien est toujours plus sollicité, sommé de donner un avis sur tout y compris dans l’instant.
 Cette réflexion épistémologique est au cœur de l’essai de Patrick Boucheron et François Hartog intitulé, l’ Histoire à venir (Anacharsis, 2018). Elle inspire aussi depuis 2017, un festival à Toulouse, autour du rapport à l’histoire, dont la préface rappelle un enjeu majeur : « Prendre à bras-le corps l’histoire à venir, c’est donc aussi cela : s’émanciper de la tyrannie du présentisme, s’arrêter un instant pour observer les infléchissements du monde, et réarticuler dans la longue durée les transformations que nous subissons ou impulsons. »

Relire P. Ariès dans Mondes sociaux

Dans "Relire Philippe Ariès pour comprendre le présent", paru dans la revue numérique "Mondes sociaux", Guillaume Gros montre l’actualité d’une œuvre pour mieux comprendre le rapport à la mort, la sociabilité et la vie privée ou l’enfance : « Comme l’a très bien vu Michel Foucault, le traditionalisme de Philippe Ariès n’a jamais été un refus de la modernité dans laquelle il a toujours baigné ne serait-ce que de par ses nombreux voyages et par son métier d’expert international dans la documentation où il joua un rôle pionnier dans l’informatisation des systèmes de documentation. Chez lui, la nostalgie du passé nourrit une réflexion sur le temps indissociable d’un regard aiguisé sur le présent, éternel point de départ de ses réflexions, qu’elles portent sur les attitudes devant la vie, l’enfance ou la mort. C’est ce regard neuf qui incite l’INED, dans les années 1950, à lui commander plusieurs articles autour de la famille moderne et des techniques de la contraception, le menant ainsi sur les sentiers de l’enfance dans l’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime (1960). »

Guillaume GROS

Responsable du site dédié à Philippe Ariès,

Chercheur associé FRAMESPA, Toulouse 2,

Pour citer cette Newsletter : « G. Gros, Newsletter, 10, “Philippe Ariès à travers ses préfaces et ses postfaces”, Site dédié à Philippe Ariès, http://philippe-aries.histoweb.net, 2019 ».