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G. Charles-Picard, "La civilisation de l’Afrique romaine", 1959

vendredi 28 novembre 2014, par Guillaume Gros

Collection "Civilisations d’hier et d’aujourd’hui" dirigée par Philippe Ariès chez Plon [1953-1961]

PICARD Gilbert-Charles, La Civilisation de l’Afrique Romaine, 1959, 410 p. [Prix Broquette-Gonin, de l’Académie française, 1960]

Présentation de l’éditeur

« Rome après avoir conquis le monde méditerranéen, a su s’associer les peuples qu’elle avait vaincus et leur faire accepter une civilisation commune. Ce sont là des vérités depuis longtemps admises, mais on connaît assez mal en général l’infinie souplesse de son action, et les compromis qu’elle a consentis avec les cultures locales. La Civilisation de l’Afrique romaine étudie les procédés qui ont permis au gouvernement impérial pendant les trois premiers siècles de l’ère chrétienne, de faire passer les Phéniciens et les Libyens d’Afrique, de l’hostilité ou de la résignation à une coopération si complète que l’un d’eux, Septime Sévère, a pu revêtir la pourpre des Césars. La grande variété des statuts politiques, et l’évolution économique qui a rendu progressivement aux Africains la meilleure part des fruits de leur labeur, ont permis l’assimilation.
La synthèse des traditions orientales et de l’apport gréco-latin faisait naître en même temps une culture originale ; en littérature les Africains, païens et chrétiens, redonnent vie au latin au moment où il semblait s’effacer devant l’hellénisme ; en art le “baroque africain” prépare l’esthétique byzantine. Vers la fin du IIIe siècle, une nation romano-africaine était née, et ne demandait qu’à vivre.

Gilbert Charles-Picard, ancien membre de l’école de Rome, ancien directeur du service des Antiquités de Tunisie, est aujourd’hui professeur d’archéologie romaine à la Sorbonne, et correspondant de l’Académie des Inscriptions. »

Table des matières

 Introduction

 Première partie

1. La révolution politique

2. La révolution économique

3. Le problème social

 Deuxième partie

4. Vie urbaine et confort

5. Les mœurs

6. Le baroque africain

Extraits de l’introduction [p. III-IV]

[...]

« D’ailleurs à s’enfermer trop étroitement dans une seule des disciplines auxiliaires de l’histoire, l’érudit risque de n’avoir qu’une vue restreinte et fausse de la civilisation ancienne à laquelle il se consacre. Les techniques industrielles, les arts, les religions, les institutions ne sont en définitive que des aspects d’une seule réalité vivante, et on ne peut les isoler par une dissection artificielle. L’école de L. Febvre a justement insisté ces dernières années sur la nécessité pour l’historien de prendre une vue globale des familles humaines en s’élevant au-dessus des barrières qui séparent les divers ordres de recherche. Les archéologues français sont d’ailleurs préservés souvent du danger d’une spécialisation excessive par la médiocrité même des moyens mis à leur disposition : alors que des nations plus riches envoient sur un seul site toute une équipe de fouilleurs, d’architectes, d’historiens de l’art, de céramologues, d’épigraphistes et de numismates, le chef de nos missions est presque toujours une sorte de maître Jacques, obligé à interpréter seul tout ce qu’il découvre, quitte à recourir, dans les cas les plus difficiles, à l’aide d’un expert qui n’a pas souvent le moyen de venir sur le terrain. Cette pauvreté a des inconvénients évidents : il est juste qu’elle comporte au moins en compensation quelques avantages. On y gagne un contact plus direct avec l’antiquité, particulièrement précieux lorsqu’on s’occupe d’une civilisation qui n’a guère produit de génies ni de chefs-d’œuvre. C’est, on le verra, la vie collective de l’Afrique romaine qui mérite l’intérêt, plus que les individus. Pour la connaître il faut utiliser une documentation très diverse, très riche mais qui comporte peu de documents exceptionnels : nous n’aurons à nous occuper ni d’événements extraordinaires, ni d’œuvres artistiques ou littéraires de tout premier ordre, — sauf celles de saint Augustin. Nous essaierons avant tout de comprendre un mode de vie réalisé par des hommes moyens. Peut-être le lecteur jugera-t-il avec quelque dédain cette société, assurément moins brillante que les grandes civilisations de la Mésopotamie, de l’Égypte ou de la Grèce. Il verra cependant que la part de ces Africains dans le progrès général de l’humanité n’est pas négligeable. »

[...]