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Philippe Ariès et Bernard Pivot à Apostrophes
vendredi 14 juin 2024, par
– Bernard Pivot (1935-2024) anima de 1975 à 1990 sur Antenne 2, la fameuse émission littéraire "Apostrophes", devenue au fil des années le rendez-vous des auteurs et du monde de l’édition. L’ex-président de l’académie Goncourt qui invita, le vendredi soir, en deuxième partie de soirée, de nombreux historiens, donna une place de choix à Philippe Ariès qui y participa dès l’année de création de l’émission en 1975, alors qu’il publiait au Seuil, Essais sur l’histoire de la mort en Occident. Il y fut ainsi invité pour chacun de ses ouvrages suivants dont l’Homme devant la mort, puis Un historien du dimanche et enfin pour les Images de l’homme devant la mort. Autant de moments que l’on peut écouter grâce aux archives de l’INA (cf. liens ci-dessous vers chaque émission).
– Philippe Ariès est alors une figure médiatique, au point que Guillaume Cuchet parle d’un "phénomène Ariès" (Annales de démographie historique, 2020) à l’instar de Jacques le Goff, Georges Duby avec lequel il dirige l’ Histoire de la vie privée ou encore d’Emmanuel Le Roy Ladurie. Sa venue à Apostrophes fait l’objet d’annonces et parfois d’entretiens préliminaires dans la presse. Il participe à d’autres émissions télévisées : cf. notre bibliographie.
– Enfin, Bernard Pivot, qui dirige alors aussi le mensuel Lire, publie deux ans après la mort de P. Ariès, les bonnes feuilles de la réédition du Temps de l’Histoire, dans la revue Lire, qu’il anime alors.
Peut-on maîtriser sa mort ? (Apostrophes, 1975)
Alors que les éditions du Seuil, rééditent au début des années 1970, des ouvrages de Philippe Ariès, grâce à Michel Winock, elles lui donnent l’occasion de mettre en forme ses premières recherches sur la mort, dans Essais sur l’histoire de la mort en Occident.
Aux côtés de Louis-Vincent Thomas pour Anthropologie de la mort (Payot), de Jean Baechler pour Les Suicides (Calmann-Lévy), de Jean Ziegler pour Les Vivants et les morts (Seuil) et d’Odette Thibault pour La maîtrise de la mort (éditions Universitaires), sur Antenne 2, le 31 octobre 1975, veille de la Toussaint, Philippe Ariès (cf. visuel ci-contre) répond aux interrogations d’une époque sur la fin de vie comme l’évoque le résumé de l’émission (64 mn) réalisée par François Chatel : « L’homme a-t-il tendance à se prendre pour Dieu ? Il souhaite contrôler ce qui ne dépend pas de lui, avoir une marge de manœuvre sur ce qui lui échappe. Ainsi, maîtriser sa mort devient un nouvel objectif : on choisit d’y mettre un terme par le suicide, on apprend à mieux l’appréhender ou, dans une démarche stoïcienne, à ne même plus la craindre ».
Vivre et mourir au Moyen Age, Apostrophes, 1978
Trois ans plus tard, Philippe Ariès, revient avec le même entrain et la même passion de la discussion, présenter son chef d’œuvre, une fresque de plus de 600 pages, fruit d’une quinzaine d’années de recherche, également parue, au Seuil, L’Homme devant la mort. Le 10 mars 1978, dans une émission intitulée, « Vivre et mourir au moyen âge », réalisée par Jean Cazenave (76 mn), Philippe Ariès (visuel ci-contre) dialogue avec les historiens Michel Mollat et Jacques Le Goff : « Les médiévistes, d’après le résumé de l’émission, expliquent s’appuyer, pour leur travaux, sur des sources universitaires, testamentaires, littéraires, juridiques, hospitalières, ecclésiastiques ainsi que sur l’art funéraire. »
La liberté de l’esprit, Apostrophes, 1980
Profitant de la dynamique éditoriale des éditions du Seuil et du succès de ses ouvrages autour de l’enfance et sur la mort à une époque où les ventes d’ouvrages de sciences humaines se vendent très bien, Philippe Ariès surfe sur la vague de l’égo-histoire dont il a été un pionnier, dès 1954, avec Le Temps de l’histoire (Le Rocher). Il rédige, alors à l’initiative de Michel Winock, un ouvrage d’entretiens dans lequel il évoque les principaux temps forts de son itinéraire. C’est Un Historien du dimanche (cf. visuel ci-contre), qu’il vient présenter, le 6 juin 1980, dans une émission intitulée "La liberté de l’esprit", aux côtés, de l’historien Pierre Nora, des écrivains Georges Wolinski et Eric Ollivier ainsi que du journaliste Serge July.
La peur et la mort, Apostrophes, 1983
– Philippe Ariès participe une dernière fois à l’émission réalisée par Jean-Luc Léridon (73 mn) qui se révèle être très émouvante sur le thème de La Peur et la mort, aux côtés des historiens Michel Vovelle et Jean Delumeau. Le 28 octobre 1983, à quelques jours de la Toussaint, selon le résumé de l’émission, Bernard Pivot « célèbre à sa façon la fête des morts en consacrant une émission à la grande faucheuse ».
– Très ému, l’historien y évoque son bel album Images de l’homme devant la mort, également publié au Seuil. En effet, il vient de perdre son épouse, Primerose Ariès à qui est dédié l’ouvrage et qui a été intimement associée à sa conception. L’historien de la mort, Philippe Ariès qui est alors lui même confronté à la maladie présente cet album comme « un livre caméra » accompagnant la « bande-images d’une bande-texte comme on synchronise le son et la photo ».
Le Temps de l’Histoire dans Lire, 1986
– Bernard Pivot, rend un dernier hommage à l’historien décédé début 1984, en publiant de très larges extraits de la réédition, au Seuil, par Roger Chartier, de son essai d’historiographie et d’ego-histoire, Le Temps de l’histoire, dans Lire (avril 1986, p. 58-62), la revue littéraire de vulgarisation qu’il dirige alors (cf. visuel ci-contre).
-Les extraits sélectionnés sont mis en valeur par deux belles photographies : l’une montre P. Ariès avec ses frères et sa soeur et l’autre le montre près du bassin d’Arcachon alors qu’il est jeune adulte. Le texte de présentation de l’extrait du Temps de l’histoire démarre ainsi : « Un livre de Philippe Ariès est toujours une joie et une surprise. (...) Décédé en 1984, Philippe Ariès, qui se voulait modestement un "historien du dimanche", était un chercheur singulier et attachant dont la notoriété et le prestige ont grandi en marge des chapelles, des coteries et du mandarinat. »